25 Janvier 2024
N°86 - FSSC22000v6 et lutte contre le gaspillage alimentaire

 
 
 
 >ExarisInfo 86 [FR] - AntiGaspiAlim250124.pdf 
 
 
 
 
 
         
   

A quoi faut-il s’attendre ?

   
         
 
 

En mai dernier nous faisions le point sur la version 6 du schéma de certification FSSC22000 qui entre définitivement en vigueur à partir du mois d’avril (cf. ExarisInfo n°85). En ce début d’année 2024 nous avons choisi de nous concentrer sur l’une des nouvelles exigences additionnelles: la clause dédiée à la lutte contre le gaspillage alimentaire (2.5.16 FOOD LOSS AND WASTE).

Cette exigence peut sembler « légère » en première lecture, mais dans le contexte actuel, a fortiori dans le cadre règlementaire européen et plus précisément français, elle pourrait avoir des implications significatives pour les entreprises certifiées.

Nous l’écrivions dans ExarisInfo n°85, le FSSC22000v6 élargit ici son champ d’action en répondant à des enjeux sociétaux plus larges que la maîtrise sanitaire, notamment :

  • la préservation des ressources par une utilisation au plus juste de nos besoins;
  • la réduction des émissions de GES (gaz à effets de serre) par une réduction de la consommation inutile de ressources énergétiques affectées à la production de produits alimentaires non commercialisables qui seront ensuite recyclés, énergétiquement valorisés (méthanisation) voir détruits (enfouis, incinérés…);
  • la lutte contre l’insécurité alimentaire (dons alimentaires);
  • la réduction globale des déchets directs et indirects liés aux pertes et au gaspillage ;
  • l’encouragement d’une culture plus large de la « performance durable »…

… en phase avec les 17 objectifs de développement durable (ODD) à horizon 2030 fixés par les 193 Etats membres de l’ONU en 2015, en particulier le 12 « ODD12 - Établir des modes de consommation et de production durables ».

A l’échelle européenne la feuille de route s’articule autour du « Green Deal » (pacte vert pour l’Europe) avec à la clef divers dispositifs législatifs dont la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), dont l’un des enjeux majeurs est d’améliorer la disponibilité et la qualité des données environnementales, sociales et de bonne gouvernance.

Quant à l’échelle française, le cadre législatif avec la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire) et réglementaire (futur décret « Re-use », mise en place de nouvelles filières REP-Responsabilité élargie des producteurs - pour la réduction des déchets liés aux emballage, Pacte National de Lutte contre le gaspillage alimentaire…) se renforce significativement.

Dans ce contexte à quoi peut-on s’attendre lorsque les dispositions de lutte contre le gaspillage alimentaire seront abordées lors des audits FSSC22000v6 ?

 
   
 
         
   

1. Pertes et gaspillage : que demande exactement le schéma FSSC22000v6 ?

   
         
 
 

Rappelons l’exigence additionnelle en question (traduction Exaris non officielle, les documents du schéma FSSC22000 n’étant publiés qu’en langue anglaise):

2.5.16 PERTES ET GASPILLAGE ALIMENTAIRES (APPLICABLE A TOUTES LES CATÉGORIES DE LA CHAÎNE ALIMENTAIRE, À L'EXCEPTION DE I – Production de Packaging)

En plus de la clause 8 de l'ISO 22000:2018, l'organisme doit :

a) Disposer d'une politique et d'objectifs documentés détaillant la stratégie de l'organisme pour réduire les pertes et gaspillages alimentaires au sein de l'organisme et de la chaîne d'approvisionnement correspondante.

b) mettre en place des moyens de maîtrise pour gérer les produits donnés aux organisations à but non lucratif, aux employés et à d'autres organisations, et s'assurer que ces produits peuvent être consommés en toute sécurité

c) Gérer les produits excédentaires ou les sous-produits destinés à l'alimentation animale afin d'éviter toute contamination de ces produits.

d) Ces processus doivent être conformes à la législation applicable, être tenus à jour et ne pas avoir d'impact négatif sur la sécurité sanitaire.

Afin d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de ces nouveaux critères un « Food Loss and Waste Guidance document » a été publié en septembre dernier. Ne perdons pas de vue que le schéma de certification FSSC22000 a une portée internationale. A ce titre le guide remet en perspective la problématique des pertes et du gaspillage alimentaire dans le contexte des 17 ODD de l’ONU et oriente l’utilisateur vers des sources méthodologiques internationales, notamment le FLW (Food Low and Waste) Protocol développé par le WRI (World Resources Institute) en partenariat avec la FAO et le Consumer Goods Forum (entre autres). Fondé en 2013 le FLW Protocol a publié en 2021 une nouvelle version de son Standard de mesure des pertes et du gaspillage alimentaire, adossé à un calculateur disponible au téléchargement.

A ce stade on peut déjà s’interroger : pourquoi le guide publié par le FSSC22000 se concentre-t-il sur la mise en place d’un diagnostic des pertes et du gaspillage, alors que l’exigence elle-même (cf. ci-dessus) ne le mentionne pas ? Au-delà de l’ambition implicite ouverte par cette nouvelle exigence on peut également chercher du côté du dernier alinéa « d) Ces processus doivent être conformes à la législation applicable (…) » or que demandent les législations des pays les plus moteurs dans l’atteinte des ODD 2030 de l’ONU ?

En Europe nous avons le « Pacte Vert » et en France (source : Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire):

  • le Pacte National de Lutte contre le gaspillage alimentaire, lequel fixe clairement le cap : « Depuis le 11 février 2020, l’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire (…) d'ici 2030, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale. »
  • la Loi Agec de 2020 qui précise à l’article 31: « Les opérateurs agroalimentaires mettent en place, avant le 1er janvier 2021, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, qui comprend notamment la réalisation d'un diagnostic.»…

… et prévoit un élargissement du Label national anti-gaspillage alimentaire aujourd’hui limité au domaine de la distribution alimentaire (horizon 2024 pour le domaine de la restauration collective et 2030 pour les domaines de la production, de la transformation et de la restauration commerciale).

 
   
 
         
   

2. Diagnostic des pertes et du gaspillage alimentaire

   
         
 
 

Chaque opérateur agroalimentaire devrait donc depuis 3 ans avoir réalisé un « diagnostic anti-gaspillage », comme le rappelle l’ADEME dans le « Guide pour un diagnostic des Pertes et du Gaspillage Alimentaire » qu’elle publie sur son site, guide rédigé en partenariat avec l’ADEPALE et le CTCPA. Adossé à une boîte à outils, proposant des tableurs sur 3 niveaux selon le niveau d’avancement de l’entreprise, ce guide est cohérent avec le FLW Protocol évoqué au point 1 et sans doute plus adapté pour les entreprises n’opérant que sur le territoire français.


A ce stade aucune méthode de diagnostic n’est imposée, mais les principes généraux se retrouvent d’un guide à l’autre (cf. fig.1 ci-contre), l’enjeu ultime étant l’étape 7 avec les pistes de réduction / optimisation / valorisation et la capacité de l’entreprise à les mettre en œuvre dans des délais cohérents avec les objectifs du Pacte National (cf. point 1).

 
   
 
         
   

3. Audits FSSC22000v6 : une porte ouverte

   
         
 
 

Il semble donc légitime de s’interroger sur les impacts de la nouvelle exigence additionnelle rappelée au point 1 sur les audits FSSC22000v6. En effet si l’exigence en elle-même n’impose pas de « diagnostic », rappelons qu’elle précise que «d)ces processus doivent être conformes à la législation applicable (…)», ce qui, pour une entreprise française, revient à réaliser un diagnostic. Les outils proposés par l’ADEME pour réaliser ce diagnostic intègrent pleinement les enjeux environnementaux dans les calculateurs, avec référence directe à la base de données Agribalyse, conçue pour aider les entreprises dans la construction des analyses de cycle de vie (ACV), bilans carbone (voir aussi la base Empreinte® de l’Ademe) et autres indicateurs de performance durable exigés dans le cadre de la directive CSRD (cf. introduction)… doit-on entrevoir un élargissement progressif de l’audit Food Safety, ouvert par le schéma FSSC22000v6, à d’autres enjeux de la RSE ? Il est sans doute un peu tôt, mais n’est-ce pas le sens de l’Histoire…

 
   
 
         
   

Conclusion

   
         
 
 

On ne peut que se féliciter de voir apparaître une passerelle très concrète entre enjeux environnementaux/sociétaux et sécurité sanitaire dans un standard Food Safety, au-delà de l’exigence de quelques mentions environnementales et/ou éthiques dans la politique de l’entreprise (que l’on trouve dans d’autres référentiels). Mais la prise en compte explicite de la lutte contre le gaspillage et les pertes ouvre sur des champs qui dépassent très largement le cadre de la certification « Food Safety », que le schéma de FSSC22000v6 continue par ailleurs de revendiquer. Il est peu probable que les audits FSSC22000 « dérivent » vers des audits à vocation environnementale au seul motif de cette exigence additionnelle, néanmoins un jalon est posé qui pourrait faire bouger les lignes. Les premiers retours d’expérience nous permettront d’y voir plus clair, dans l’attente il semble urgent de réaliser un diagnostic des pertes et du gaspillage, pour les entreprises qui ne l’ont pas déjà fait.

 

N’hésitez pas à nous contacter pour former vos équipes, optimiser votre veille règlementaire, réaliser des diagnostics et audits internes, être accompagnés dans vos projets…

 

 
   
 
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