15 Mai 2019 | ||
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Quel impact opérationnel ? |
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La version 2 de la norme ISO22000 étant parue depuis bientôt un an il nous semble opportun de faire un état des lieux des impacts de cette nouvelle version à l’échelle des moyens de maîtrise de la Sécurité des Denrées Alimentaires. Nous avions déjà abordé le management par les risques dans ExarisInfo n°69 à travers l’évolution de la norme ISO 9001 : 2015 ainsi que dans ExarisInfo n°76 qui présentait les évolutions futures de la version 2018 de la norme ISO 22000. Il se confirme que la norme a visiblement eu un peu de mal à digérer la « structure HLS » imposée par l’ISO 9001. Elle a finalement opté pour une approche dite de « double PDCA » présentée dans ExarisInfo n°78, avec à la clef deux niveaux de gestion des risques : le premier centré sur l’organisation et la maîtrise du système (contexte, approche processus, parties intéressées, risques et opportunités), le second sur la maîtrise opérationnelle (Programmes Prérequis, CCP, PRPo…). Pour ce qui concerne le premier niveau nous continuons de regretter que la norme se soit contentée d’ouvrir la voie vers « l’approche processus » sans l’assumer totalement. Il en résulte un risque de divergence d’interprétation à terme entre ceux qui souhaiteront adopter pleinement ce concept (dans une optique ISO9001) et ceux qui n’en perçoivent pas l’intérêt. Dans ce numéro nous avons choisi de nous concentrer sur le deuxième niveau, le management des risques opérationnels, déjà traité dans ExarisInfo n°2 lorsque nous abordions l’épineux sujet (déjà à l’époque !) de la distinction entre un CCP et un PRPo… | ||
1. Les Programmes Prérequis (PRP) : un rôle confirmé |
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La norme a quelque peu fait évoluer son approche concernant les programmes prérequis que la version 2018 définit comme (§3.25) des « Conditions et activités de base nécessaires au sein de l’organisme et tout au long de la chaine alimentaire pour préserver la sécurité des denrées alimentaires » alors que dans la version 2005 les PRP permettaient « de (…) maintenir tout au long de la chaîne alimentaire un environnement hygiénique approprié (…) ». Le champ des Programmes Prérequis s’élargit donc explicitement au-delà des simples bonnes pratiques d’hygiène. A noter également que la nouvelle version de la norme demande à l’organisme de prendre en considération « a) la partie applicable de la série ISO/TS 22002 ». I Cette évolution risque fortement d’impacter la stratégie de certification des entreprises qui n’ont pas encore opté pour le schéma FSSC22000 pour s’en tenir à la seule certification ISO22000: lorsqu’une spécification technique de la série ISO/TS 22002 existe pour le secteur d’activité concerné cette stratégie pourra être reconsidérée… Par ailleurs les exigences en termes de documentation des PRP se sont renforcées : il est maintenant écrit : des informations documentées doivent spécifier le choix, là où la version 2005 employait le conditionnel devraient spécifier. De plus, là où la version 2005 exigeait seulement la vérification des PRP, la version 2018 inclut la possibilité de surveiller les PRP « si applicable » au-delà de la seule vérification … Enfin il est désormais clairement établi que les Programmes Prérequis ne sont pas (plus) considérés comme des « mesures de maîtrise » au sens de la norme, définies comme (§3.8) « Action ou activité qui est essentielle pour prévenir l’apparition d’un danger lié à la sécurité des denrées alimentaires significatif, ou pour le ramener à un niveau acceptable » et déterminées sur la base de l’analyse des dangers. Seuls les CCP et les PRPo répondent donc désormais à cette définition. Les PRP peuvent pour leur part être considérés comme des mesures préventives génériques établies avant l’analyse des dangers. La norme exige bien que l’on analyse les dangers (pour identifier les dangers significatifs) sans tenir compte des mesures de maîtrise (que l’analyse vise précisément à déterminer) mais pas sans tenir compte des PRP !... | ||
2. Classement des mesures de maîtrise : CCP / PRPo |
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La version 2018 exige toujours de classer les mesures de maîtrise en CCP et PRPo. Elle a apporté une modification mineure à la définition du CCP (§3.11) : « Étape du processus à laquelle une ou des mesures de maîtrise sont appliquées pour prévenir l’apparition d’un danger significatif lié à la sécurité des denrées alimentaires ou pour le ramener à un niveau acceptable, avec une ou des limites critiques définies et une mesure permettant l’application de corrections. » L’introduction du mot processus dans la définition d’un CCP est le fruit de la traduction française du terme anglais process step qui renvoie à une étape du process de réalisation plutôt qu’à un processus au sens large défini, comme (§3.36) un « ensemble d’activités corrélées ou en interaction qui transforme des éléments d’entrée en éléments de sortie »… cette traduction ne s’avère donc pas des plus judicieuses pour une compréhension homogène de la norme. En ce qui concerne les PRPo (§3.30) la nouvelle définition est la suivante: « Mesure de maîtrise ou combinaison de mesures de maîtrise appliquée pour prévenir l’apparition d’un danger significatif lié à la sécurité des denrées alimentaires ou pour le ramener à un niveau acceptable, et où un critère d’action et une mesure ou une observation permettent une maîtrise efficace du processus et/ou du produit. »
Le lien explicite qui existait dans la version 2005 entre les PRPo et les PRP a disparu (PRPo : « un PRP identifié par l'analyse des dangers comme essentiel (…) ») mais la norme n’interdit pas de continuer à maintenir ce lien. La nouvelle définition, censée clarifier les choses, ne définit plus vraiment la nature d’un PRPo vis-à-vis d’un CCP : le CCP est une « étape à laquelle une mesure de maîtrise…» / le PRPo est une mesure de maîtrise sans connexion explicite à un PRP / donc sur cette base le CCP pourrait être une « étape à laquelle un PRPo…» pourvu que la surveillance de ce PRPo fasse l’objet d’une mesure et non d’une observation (auquel cas ce biais ne fonctionne plus !). Force est de constater qu’au lieu d’une clarification ces modifications peuvent au contraire compliquer la mise en pratique. Il est cependant à souligner qu’un vide est comblé : la version 2005 exigeait de surveiller les PRPo mais ne donnait aucun nom aux limites de surveillance, qui s’appellent désormais des « critères d’action » (§3.2) : « caractéristique mesurable ou observable destinée à la surveillance d’un PRPo ». Cette définition vient cependant introduire une distinction ambigüe entre le critère d’action associé au PRPo et la limite critique associée au CCP (§3.12) définie comme une « valeur mesurable qui distingue l’acceptabilité de la non-acceptabilité ». La notion de mesurable pour une limite critique et de mesurable ou observable pour un critère d’action risque d’introduire des biais méthodologiques avec notamment la tentation de « déclasser » des CCP en PRPo au motif que pour les premiers lorsqu’une limite critique est dépassée ou non atteinte les produits concernés doivent être traités comme des produits potentiellement dangereux, ce qui n’est pas systématiquement le cas pour les seconds lorsqu’un critère d’action est non satisfait ou non atteint… Enfin ISO22000 : 2018 continue d’exiger une approche logique pour classer les mesures de maîtrise en CCP / PRPo sans exiger, ni proposer d’arbre de décision. Nous en avons donc profité pour simplifier encore notre proposition en réduisant cette séquence logique à 3 questions-clefs qui nous semblent suffisantes. | ||
3. Conséquences au plan opérationnel |
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Du point de vue de la maîtrise opérationnelle cette nouvelle version n’apporte pas de réelle clarification dans le classement des mesures de maîtrise entre CCP et PRPo. Il conviendra néanmoins de rester vigilant quant au risque de « déclassement » d’un CCP en PRPo (par ex. un tamis) au prétexte que la limite critique associée (contrôle visuel de l’intégrité du tamis) n’est pas mesurable, alors que la mesure de maîtrise répond en tout point à la définition d’un CCP (le tamis est bien une étape du process et sur le principe son contrôle visuel pourrait être associé à la mesure de l’écartement des mailles !) et qu’elle a de surcroît toujours été identifiée et gérée comme tel dans les plans HACCP et dans la communication faite aux opérateurs… de même pour un CCP aimant qui deviendrait un PRPo au prétexte que la surveillance n’est pas continue… Rappelons que la surveillance (§3.27) est « l’action qui consiste à réaliser une séquence programmée d’observations ou de mesures afin d’évaluer si un processus fonctionne comme prévu » et que cette définition n’a jamais intégré et n’intègre toujours pas la notion de continu / discontinu ! La fréquence de surveillance doit permettre de s’assurer que : (8.9.4) « L’organisme (…) conserve la maîtrise des produits ayant été identifiés comme potentiellement dangereux. » Ces évolutions opérationnelles ne doivent surtout pas conduire à diminuer le niveau de maîtrise de la sécurité des aliments fournis par les entreprises certifiées ! Il en résulterait une perte de crédibilité de la norme notamment par rapport à d’autres référentiels de certification tels que l’IFS ou le BRC. | ||
Conclusion |
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Comme toute norme, l’ISO 22000 : 2018 est le fruit d’un consensus qui pourra donner l’impression à certains d’être allé trop loin et pour d’autres de ne pas avoir réussi à suffisamment intégrer l’approche processus dans un SMSDA ou à clarifier la question du classement des mesures de maîtrise en CCP / PRPo. Toute évolution normative propose un nouveau challenge et une nouvelle dynamique pour les entreprises : il convient de rester pragmatique, efficient et très opérationnel, de ne pas s’égarer dans des débats d’experts et de ne pas perdre de vue l’objectif principal qui est la maîtrise de la sécurité des consommateurs. L’enjeu majeur reste une communication terrain non ambigüe sur les mesures de maîtrise à mettre en œuvre, les contrôles associés et les modalités de gestion des résultats des contrôles non conformes… N’hésitez pas à nous contacter pour avancer ensemble sur ce thème. | ||
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