N°16 - Dangers et mesures de maîtrise selon ISO 22000 (3/4) [mars 2007] - 07 Juillet 2011 | Exaris.fr

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Risques chimiques : une menace méconnue

 

Qu’il s’agisse d’intoxication alimentaire  se traduisant par une gastro-entérite ou des céphalées, d’une écharde fichée dans le palais d’un consommateur ou d’une réaction à un allergène, chaque professionnel de la filière agroalimentaire perçoit aisément les conséquences résultant d’un manque de maîtrise opérationnelle. Les microorganismes, nous l’écrivions dans ExarisInfo n°14, sont intimement liés à la filière agroalimentaire depuis ses origines et font l’objet d’une expertise rigoureuse et abondante. La maîtrise des dangers physiques nécessite, elle, une approche terrain poussée, propre à chaque entreprise, voire à chaque site (cf. ExarisInfo n°15). En outre, les conséquences d’une contamination sont relativement immédiates et généralement non soumises à des doses infectieuses massives ; la communication sur ces dangers en est donc facilitée. 

Mais lorsqu’il s’agit du risque[1] chimique, ou toxicologique, les débats, séminaires et dires d’experts se font plus rares. Nous abordons une partie subtile de la définition d’une denrée dangereuse au sens du règlement européen 178/2002. Ce dernier nous dit (art. 14 point 4):

« Pour déterminer si une denrée alimentaire est préjudiciable à la santé, il est tenu compte:

a) de l'effet probable immédiat et/ou à court terme et/ou à long terme de cette denrée alimentaire sur la santé non seulement d'une personne qui la consomme, mais aussi sur sa descendance;

b) des effets toxiques cumulatifs probables; »

Or il est acquis que la consommation exceptionnelle d’un fruit contenant 0,1 ppm d’amitraze (molécule phytosanitaire) au lieu de 0,05 ppm (Limite Maximale Résiduelle autorisée) ne se traduira par aucune conséquence détectable chez un consommateur. Le risque provient d’une consommation répétée, se traduisant par une accumulation de cette molécule au sein d’un organisme, au-delà du seuil considéré comme carcinogène (synonyme de cancérigène) par les experts des agences de veille (AESA, AFSSA…). On devine que la maîtrise de ces dangers implique une approche différente de celle que nous avons évoquée dans nos précédentes lettres d’information.


[1] Risque : fonction de la probabilité et de la gravité d’un effet néfaste sur la santé (i.e. d’un danger)

 
 

1. Contexte

 

Que sont exactement les dangers chimiques ? Il s’agirait, d’après les définitions croisées du règlement 178/2002, de la norme ISO 22000 et du Codex Alimentarius, de molécules chimiques présentes dans les aliments et présentant un effet néfaste pour la santé des consommateurs.

L’équipe en charge du Système de Management de la Sécurité Alimentaire devra donc faire des choix dans la classification des dangers pris en compte, afin de garantir la cohérence et la pérennité du système : doit-on notamment considérer les toxines issues de l’activité de microorganismes (par exemple la toxine botulinique, les mycotoxines…) comme des dangers chimiques, ou bien les traitera-t-on par le biais de leur sécréteur biologique ? Il semble judicieux de les traiter avec leurs sécréteurs, comme des dangers microbiologiques, dans la mesure où leur  maîtrise impliquera celle du microorganisme concerné. En revanche les allergènes, qui constituent des dangers bio-chimiques endogènes ou exogènes, sont  plutôt traités de manière indépendante (cf. notre prochaine lettre d’information), dans la mesure où ils ne constituent pas de réels « contaminants » et où leur maîtrise est soumise à des exigences réglementaires précises.

On retiendra généralement parmi les grandes catégories de dangers chimiques :

-  les contaminants environnementaux (métaux lourds, dioxines…)

-  les fluides techniques contenant des molécules de synthèse interdites à la consommation (lubrifiants, graisses, fuites de double-enveloppes…)

-  les produits de traitement phytosanitaire (pesticides…)

-  les produits de traitement vétérinaire (antibiotiques…)

-  les produits de nettoyage et désinfection utilisés sur le site

-  les produits néoformés au cours du process de fabrication (acrylamides)

-  Les surfaces au contact des aliments et pouvant induire une migration de molécules du matériau vers le produit (migration d’encres, de styrène…)

Mais s’il n’est pas compliqué de lister ces catégories, dès que vient l’heure de s’interroger sur la caractérisation des « risques » l’équipe en charge du SMSA  est bien souvent démunie :

1.     établir une « probabilité » d’apparition nécessite un recueil le plus exhaustif possible de données, or  les molécules toxiques sont potentiellement très nombreuses (cf. à titre d’exemple la liste des molécules pesticides soumises à LMR), les analyses sont souvent chères et des méthodes fiables ne sont pas toujours disponibles

2.     établir un niveau de gravité n’est souvent pas du ressort de l’équipe HACCP en place sur un site de production ; cette responsabilité incombe aux gestionnaires du risque (autorités publiques épaulées par l’AFSSA à l’échelle française, l’AESA à l’échelle européenne). Devant l’impossibilité pour une équipe isolée de caractériser la gravité d’un dépassement de LMR (quelle dose serait cancérigène pour un consommateur ?), le principe de précaution sera invoqué et une gravité maximale sera affectée, par défaut.

En conséquence, il ressort une liste de dangers potentiellement graves (par défaut), de sources multiples, dont la fréquence est difficilement quantifiable… et qu’il faut pourtant maîtriser, à l’échelle de chaque maillon de la filière.

 
 

2. Quelle démarche adopter ?

 

 La liste établie au point 1 illustre d’emblée le rôle des Programmes Pré-Requis. La « menace toxicologique » peut être répartie en deux familles :

1.     les dangers provenant de l’extérieur du système : matières premières contaminées si l’on n’est pas producteur primaire (pesticides, antibiotiques), contaminants environnementaux, produits de traitement ou constituants des surfaces au contact des aliments

2.     les dangers générés par les activités se déroulant à l’intérieur du système, notamment la maintenance, le nettoyage et la lutte contre les nuisibles.

Le « risque chimique », au regard d’une contamination potentielle des aliments, devra donc être pris en compte dans l’élaboration des PRP, par exemple en leur appliquant une analyse de risques. Lorsqu’il s’agit de dangers provenant des intrants (famille 1 ci-dessus), l’analyse des risques permettra d’identifier les exigences à intégrer dans les clauses d’achat, le cas échéant, les analyses à intégrer au plan de contrôle et si besoin la caractérisation de PRP Opérationnels. Pour ce qui concerne la seconde famille, la maîtrise sera interne à l’entreprise, par le biais des PRP  dont l’évaluation pourra également conduire à la caractérisation de PRP Opérationnels.

 
 

3. Quelles mesures de maîtrise à la clef ?

 

La maîtrise de tous les dangers extérieurs à l’environnement de l’entreprise doit, en toute logique, se situer à l’interface avec la source identifiée, voire en amont si possible. Le rôle du processus référencement et achats est déterminant dans cette problématique : c’est à ce stade que l’entreprise minimise la probabilité d’introduire dans son système des denrées contaminées, qu’elle n’aura pas les moyens de « traiter». L’enjeu est de construire des contrats d’achats qui exigent des garanties jugées suffisantes de la part des fournisseurs.. Le référencement lié aux achats de certaines matières premières jugées « critiques » au regard de l’analyse des risques pourra alors devenir, dans certains cas, un PRP Opérationnel.

Pour les dangers « internes », la maîtrise est opérationnelle. La connaissance du process et la pluridisciplinarité de l’équipe HACCP sont primordiales. Elle devra dans un premier temps identifier de manière exhaustive les dangers potentiels liés à une contamination chimique et les causes associées. Si par exemple le risque de contamination par des produits désinfectants encore présents dans un équipement est jugé significatif, il conviendra vraisemblablement de qualifier rigoureusement le rinçage et d’en assurer une surveillance adéquate. Ou encore, si l’entreprise a recours à des procédés de désinsectisation par nébulisation au sein d’équipements fermés, le protocole de traitement devra être qualifié en tenant compte de la rémanence des produits phytosanitaires. Il convient, pour chaque situation présentant un risque significatif, de mettre en place des mesures préventives adéquates et, étape primordiale mais souvent oubliée, de valider l’efficacité de ces mesures.

 
 

Conclusion

 

Les dangers chimiques constituent un vaste champ d’investigation et font de plus en plus  l’objet d’une attention permanente et très soutenue de la part des agences de veille sanitaire. Il est aujourd’hui difficile de percevoir l’impact réel d’une contamination ponctuelle, molécules incriminées impliquant souvent une accumulation par le consommateur pour que s’exprime leur toxicité. Mais si la cotation des risques chimiques n’est pas aisée pour les professionnels de la chaîne alimentaire, leur maîtrise repose généralement sur des principes simples, une bonne connaissance des filières et des process, une identification pertinentes des dangers potentiels et de leurs causes guidés par l’analyse des dangers.

 
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