N°20 - IFS V5 et méthode HACCP Chronique d’une régression (oct 2007) - 07 Juillet 2011 | Exaris.fr

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Introduction

 

Le sujet était inévitable et nous vous promettions, dans notre dernier numéro (ExarisInfo n°19) de traiter la question : IFS V5 : un pas vers ISO 22000 ? Mais après lecture du contenu du référentiel IFS Version 5, paru cet été et disponible en version française depuis fin septembre, il ne nous est pas paru opportun de conserver ce titre.

Car s’il est à mettre au crédit de l’IFS un certain nombre d’aspects positifs, dont notamment l’implication de quelques industriels et des certificateurs dans la révision du référentiel, il nous semble que certaines évolutions constituent davantage une régression préjudiciable qu’une avancée profitable.

Nous ne commenterons pas dans cette lettre l’ensemble des modifications apportées à la version 4, notamment pour ce qui concerne les modalités d’attribution de la certification, le dimensionnement des audits, les contraintes appliquées aux organismes de certification... De nombreuses publications émanant directement de l’organisme IFS et de ses partenaires (certificateurs, distributeurs, consultants affiliés…) ont déjà largement traité ces aspects, et continuent à le faire.

Nous nous intéresserons exclusivement à la refonte de l’ex-chapitre 1, désormais chapitre 2, consacré en grande partie à l’application de la méthode HACCP.

 

Ce chapitre nous enseigne que si l’IFS à épuré son texte de quelques exigences que tous s’accordaient à considérer comme peu pertinentes, il introduit quelques nouvelles maladresses et confusions, dont il est à prévoir qu’elles ne faciliteront pas la tâche des entreprises soucieuses de rationnaliser leur système de management de la sécurité des denrées alimentaires.

 
 

1. Les « CP (points de maîtrise) » selon l’IFS V5

 

Le standard IFS prend soin de maintenir la référence au Codex Alimentarius pour ce qui concerne l’application de la méthode HACCP [sans toutefois rappeler les références précises du texte concerné : Annexe du CAC/RCP 1-1969, rév. 4 (2003)].

Du chapitre 2.1.3.1 au 2.1.3.5.1, l’IFS V5 reprend les 6 premières des 12 étapes recommandées par le Codex. Il est précisé que pour les diagrammes de flux : « Le diagramme doit (…) identifier clairement chaque CCP avec le numéro qui lui est assigné ». On peut s’interroger sur la pertinence de cette exigence de forme (davantage qu’une réelle exigence de moyen), mais au-delà de cette subtilité ces premières exigences paraphrasent assez fidèlement le Codex.

Arrêtons-nous sur le chapitre 2.1.3.5.2 où l’IFS dit :

« Pour toutes les étapes non définies en tant que CCP mais en tant que CP (points de maîtrise), la société doit mettre en place, maintenir et formaliser des mesures préventives spécifiques »

Il est inquiétant de constater la résurgence de la notion de « CP », absente du Codex Alimentarius et née de diverses interprétations opérationnelles, déjà anciennes, de la méthode HACCP. Rappelons que cette notion de CP proposait une voie intermédiaire dans le classement des mesures de maîtrise par l’équipe HACCP : « et si cette mesure n’est pas un CCP (l’arbre de décision ne nous y conduit pas) mais qu’elle est tout de même nécessaire pour maintenir la sécurité du produit ? »

ISO 22000 est apparue depuis, et répond de manière aboutie à cette problématique de classement : lorsqu’une mesure de maîtrise est jugée essentielle par l’équipe HACCP, soit il s’agit d’un CCP soit il s’agit d’un PRP Opérationnel. Ces deux notions sont par ailleurs très bien encadrées par la norme et la pratique les révèle tout à fait pertinentes.

L’espoir d’un langage commun s’enterre davantage à la lecture de la définition que l’IFS donne du « CP » (P.68):

« CP – Control Point (Point de maîtrise) : Identifié par l’analyse des dangers comme essentiel à la maîtrise de la probabilité d’introduction ou de prolifération de dangers liés à la sécurité des aliments dans le(s) produit(s) et/ou dans l’environnement de transformation. »

 

La question s’impose : quelle différence l’IFS fait-il entre un CCP et un CP ? Les deux sont des « points » (admettons que l’IFS entende par là « étape » de fabrication) et les deux sont « essentiels » à la maîtrise de la sécurité des denrées. On nous opposera certainement que le CCP peut être « surveillé », qu’il est « spécifique » à un ou plusieurs dangers clairement identifiés etc… Mais avec une telle définition, qu’est-ce qui empêche un industriel de ne définir que des CP et aucun CCP ? La définition du CP quoique moins précise n’est pas fausse si l’on veut l’appliquer à une étape qui devrait vraisemblablement être considérée comme un CCP. Ainsi le postulant à la certification peut considérer comme Non Applicables les trois exigences suivantes relatives aux CCP, et évite ainsi l’écueil du KO relatif aux seuls CCP (et non aux CP).

Loin de prétendre inciter à la fraude les candidats à la certification, nous soulignons simplement ici la régression que constitue la réintroduction de la notion de « CP ». Les industriels les plus avancés dans leur pratique de la méthode ont tous eu l’occasion d’appréhender les limites de ce « non-CCP » qui un jour basculait dans le camp des CCP, et le lendemain disparaissait de l’étude. C’est pourquoi la norme ISO 22000 a fait évoluer ce CP méthodologiquement insatisfaisant vers le concept de PRP Opérationnel. En outre l’imprécision de la définition qu’impose l’IFS à ses candidats ouvre la porte à des débats improductifs, voire destructifs, et surtout inutiles car déjà solutionnés par ailleurs.

 
 

2. Les « mesures préventives » selon l’IFS V5

 

Reprenons le chapitre 2.1.3.5.2 et intéressons-nous à la seconde partie relative aux mesures préventives:

« Pour toutes les étapes non définies en tant que CCP mais en tant que CP (points de maîtrise), la société doit mettre en place, maintenir et formaliser des mesures préventives spécifiques »

Qu’est-ce qu’une « mesure préventive » au sens de l’IFS V5 ? Le référentiel ne nous le révèle pas, qui nous renvoie (P.67 – Préambule du glossaire) vers les « règlements et directives appropriés ». La norme ISO 9001 n’est ni l’un ni l’autre ; c’est pourtant la seule à en donner une définition : « Action visant à éliminer une non-conformité avant qu’elle ne survienne ». En quoi l’entreprise doit-elle, dans ce cas, associer des mesures préventives à des mesures qui en sont elles-mêmes ? Le chat se mord la queue.

Peut-être eût-il fallu parler de mesure de maîtrise pour désigner le CP, et peut-être eut-il fallu parler de mesure de surveillance plutôt que de mesure préventive ?

Là encore notre intention n’est pas d’opposer un débat d’experts au pragmatisme volontariste de l’IFS, mais simplement de souligner le préjudice en termes d’efficacité que ces imprécisions et contresens ne manqueront pas d’induire.

 
 

3. Les « actions correctives » selon l’IFS V5

 

Pour finir prenons le chapitre 2.1.3.9 qui impose :

« Des actions correctives doivent être établies pour chaque CCP. Dans le cas où la surveillance indique qu’un CCP n’est pas maîtrisé, des actions correctives adéquates doivent être mises en place et enregistrées. Ces actions correctives doivent également prendre en compte tout produit non-conforme. »

Or l’IFS V5 reprend la définition ISO 9001 de l’action corrective (Action visant à éliminer la cause d’une non conformité…). Ainsi, en cas de dérive d’un CCP (induisant un produit potentiellement dangereux) demande-t-on à l’industriel d’éliminer la cause de la dérive, avant de lui demander de traiter immédiatement la dérive afin d’en retrouver la maîtrise ? Sans doute eut-il fallu parler, à ce stade du référentiel, de « correction », en cohérence avec la norme ISO 22000. Sachant que l’IFS V5 revient au chapitre 5.11 (KO) sur la nécessité de mener des actions correctives documentées, induisant donc une redondance avec le chapitre 2.1.3.9.

 
 

Conclusion

 

Si nous nous sommes attachés à commenter le traitement fait par l’IFS V5 de la méthode HACCP, c’est que cette dernière constitue l’épine dorsale du système de management de la sécurité des denrées, et que nous attendions une réelle progression de l’IFS sur ce point. Or paraphraser le Codex Alimentarius est une chose, le corrompre sous forme d’exigences maladroites adossées à des définitions erronées en est une autre. Sur un sujet aussi actuel, sérieux et polémique que la sécurité des denrées alimentaires, les industriels étaient en droit d’attendre mieux de cette version 5 exigée par nombre de leurs clients. Il est très dommage qu’avec autant d’ « experts » le comité IFS 2007 n’ait pas davantage affiné son sujet.

Il eut été tellement plus simple et efficace que l’IFS s’aligne, pour ce qui est des concepts méthodologiques, sur la norme ISO 22000 désormais largement reconnue par les industriels et parfaitement cohérente avec les attentes des pouvoirs publics.

 
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