11 Décembre 2020 | ||
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Quels enseignements ? |
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En 1969, le Codex Alimentarius publiait un document intitulé PRINCIPES GÉNÉRAUX D'HYGIÈNE ALIMENTAIRE (CAC/RCP 1-1969), plus souvent évoqué sous le diminutif ‘Codex HACCP’ qui notamment : − définissait « les principes essentiels d'hygiène alimentaire applicables d'un bout à l'autre de la chaîne alimentaire (depuis la production primaire jusqu'au consommateur final) pour assurer que les aliments soient sûrs et propres à la consommation; l'objectif étant de garantir des aliments sains et propres à la consommation humaine; » − recommandait « de recourir à la méthode HACCP en tant que moyen d'améliorer la salubrité des aliments » ; et indiquait « comment mettre ces principes [HACCP] en application. » Ce document fondateur vient d’être révisé pour la 5e fois : la version 2020 est disponible depuis la semaine dernière en version anglaise. Depuis 2003 (date de la version précédente du ‘Codex HACCP’) l’approche du Management de la Sécurité des Aliments a connu un certain nombre d’évolutions (cf. les nombreux ExarisInfo depuis 2005) avec notamment la parution de l’ISO 22000 en 2005, l’intégration des risques liés aux actes de malveillance, la prévention de la Fraude alimentaire, le renforcement des exigences en termes de Food Safety Culture, l’introduction de la notion de Preventive Control dans la réglementation US, l’intégration d’une « approche par les risques » plus globale avec la révision de l’ISO22000 en 2018… avec à la clef l’émergence d’un lexique nouveau ou rénové (PRP, PRPo, limite critique, critère d’action,…) parfois compliqué à décrypter par les acteurs de l’agroalimentaire. La majorité des normes et standards relatifs au management de la sécurité des aliments revendiquent, de manière plus ou moins lointaine, l’héritage du Codex. Par ailleurs le Codex constitue toujours une source de référence pour un grand nombre de pays dans le monde, dont les normes et règlementations locales s’inspirent directement. Aussi nous semble-t-il particulièrement intéressant d’analyser dans quelle mesure cette nouvelle révision du ‘Codex HACCP’ peut aider à clarifier, sinon arbitrer, les débats méthodologiques récurrents relatifs à la méthode HACCP. | ||
1. Définitions du Codex : confusion ou solutions ? |
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Un constat général s’impose à la lecture du texte : ses rédacteurs, quoique parfaitement informés du contenu de la norme ISO22000 (devenue depuis 2005 la référence méthodologique pour le déploiement d’un Système de management de la sécurité des aliments certifiable) n’ont pas souhaité s’aligner sur ses définitions. On pourra légitimement s’en étonner voire le regretter, par exemple s’agissant du terme « Action corrective ». Alors que toutes les normes ISO s’accordent sur la définition d’une « action visant à éliminer la cause d’une non-conformité et à éviter qu’elle ne réapparaisse » (ISO22000 :2018 §3.10), le Codex maintient une définition alternative « Toute action prise lorsqu'une déviation se produit afin de rétablir la maîtrise, de séparer et de déterminer le traitement du produit affecté, le cas échéant, et d'empêcher ou de minimiser la répétition de la déviation » [traduction libre du Codex] qui correspond davantage à la « correction » au sens d’ISO22000. De même il n’échappera à personne que le concept de PRP Opérationnel (PRPo) est absent de ce texte (voir ci-après). Néanmoins dans un contexte où la révision 2018 de la norme ISO22000 apporte parfois plus de confusions que de solutions au plan opérationnel (voir 3. CCP et PRPo et ExarisInfo 80), ce choix du Codex de conserver en bonne partie sa ligne historique peut offrir quelques clefs d’arbitrage… | ||
2. PRP et GHP |
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S’il ne définit pas les PRPo le codex reprend la définition des PRP (Programmes Prérequis) au sein desquels il distingue les GHP (Bonnes pratiques d’Hygiène), définies comme partie intégrante des PRP mais avec une définition propre : « Mesures et conditions fondamentales appliquées à toute étape de la chaîne alimentaire pour fournir des aliments sûrs et appropriés. » [traduction libre du Codex]. Ça se complique, donc ! ou se précise… En effet le chapitre I du Codex détaille ces GHP globalement selon le même découpage que ceux de la version de 2003 même si l’ordre des chapitres a été modifié. Il est à noter que cette nouvelle version ne traite pas de la prévention des actes de malveillance ni de la prévention de la Fraude alimentaire et reste exclusivement focalisée sur la maîtrise de la sécurité sanitaire des aliments liée à des contaminations accidentelles ou fortuites. On retrouve donc les thématiques traitées dans d’autres normes et standards sous le titre de Programmes Prérequis (ISO22000) ou autres (BRC, IFS…) à savoir les recommandations applicables : au stade de la Production primaire (agricole), pour la conception des sites de production, en matière de Formation et compétence (à noter une référence à la Food Safety Culture dans la partie Utilisation du document), à l’Entretien, nettoyage et désinfection, à la lutte contre les nuisibles, à l’Hygiène du personnel, au management des allergènes (avec l’ajout d’un chapitre et la référence à un guide Codex dédié – CXC 80-2020), à l’information des consommateurs et à la traçabilité, au transport… C’est dans la section 7 Maîtrise des opérations que se concentrent les principales modifications avec notamment l’introduction de la notion de « Bonne Pratiques d’Hygiène nécessitant une attention plus particulière » (Codex§ 7.1.3), avec à la clef la mise en place d’une surveillance si nécessaire… un pas vers le PRPo ? | ||
3. CCP et PRPo : la fin de l?arbre de décision |
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Nous ne reviendrons pas ici sur les difficultés d’interprétation qu’induit la nouvelle définition du PRPo selon ISO22000:2018 (sujet traité dans ExarisInfo 80) ; soulignons simplement que la version 2020 du ‘Codex HACCP’ avec ses « GHP nécessitant une attention particulière » conforte la pertinence de la définition précédente du PRPo, qui établissait explicitement le lien entre PRPo et PRP : « PRP identifié par l'analyse des dangers comme essentiel pour maîtriser la probabilité d'introduction de dangers liés à la sécurité des denrées alimentaires (…) » Les auteurs du Codex ont fait le choix, au chapitre 2 consacré à la méthode HACCP, de continuer de se concentrer sur la détermination des CCP, laissant aux professionnels le choix des outils méthodologiques pour définir d’autres types de mesures de maîtrise. Cette nouvelle révision acte la disparition de l’arbre de décision comme outil de détermination des CCP ! Il a été remplacé par le paragraphe 3.7 qui précise entre autres: « Pour identifier un CCP, en utilisant un arbre de décision ou une autre approche, il conviendrait de tenir compte des éléments suivants : (…) - « (…) Si la mesure de maîtrise ne peut pas être mise en œuvre à cette étape, alors cette étape ne doit pas être considérée comme un CCP pour le danger significatif. - Si la mesure de maîtrise peut être mise en œuvre à l'étape analysée, mais peut également être mise en œuvre plus tard dans le process, ou s'il existe une autre mesure de maîtrise pour ce danger à une autre étape, l'étape analysée ne devrait pas être considérée comme un CCP. - (…) si une mesure de maîtrise à une étape est utilisée en combinaison avec une mesure de maîtrise à une autre étape pour maîtriser le même danger ; dans l'affirmative, les deux étapes devraient être considérées comme des CCP. » Cette approche focalisée exclusivement sur les CCP présente l’avantage très significatif à nos yeux de clarifier la notion de CCP, d’en renforcer le lien avec la notion d’étape « essentielle » dans le process et surtout d’acter la fin du recours systématique à un « arbre de décision » (par ailleurs supprimé des annexes du Codex), souvent considéré par les professionnels comme un exercice imposé, source de nombreuses confusions. Enfin notons que la définition d’une limite critique proposée par le Codex s’écarte légèrement de la définition de l’ISO22000 :2018 puisqu’il s’agit ici d’un « critère observable ou mesurable (…)». Cette subtilité nous intéresse particulièrement en ce qu’elle n’exclut pas de définir des critères observables pour la surveillance d’un CCP (par exemple le positionnement et l’intégrité d’un tamis). Par ailleurs cette position sanctuarise les CCP et évite cette incohérence que l’on peut observer depuis la parution d’ISO 22000 :2018 : le « déclassement » de CCP en PRPo au prétexte que la limite critique n’est pas mesurable mais observable ! | ||
Conclusion |
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Cette révision 2020 du CAC/RCP 1-1969 n’est heureusement pas une révolution et l‘on pouvait s’en douter. Ce texte constitue cependant un apport non négligeable pour aider à anticiper ou corriger les dérives méthodologiques dans l’application de la méthode HACCP, constatées ces dernière années avec notamment la publication de la version 2018 d’ISO22000 ou (pour les entreprises concernées par le marché US) le FSMA. A l’échelle d’Exaris et des nombreuses formations et outils que nous proposons sur le sujet ce texte constituera certainement une référence précieuse en ce qu’il conforte la cohérence et la pertinence des interprétations que nous vous proposons depuis de nombreuses années ! Alors n’hésitez pas… Contactez-nous pour avancer ensemble ! | ||
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